Bon An Mal An

Il est étonnant d’observer, Justine, à quel point un adjectif peut contenter le caractère humain dans la bouche de celui qui ose juger autrui. Paul dira : « elle est jalouse » et il chantera à tue tête un aiR à ce titre. Et si Paul avait lu Jean, dont le nom parfumé est de La Bruyère, peut-être aurait-il eu assez d’esprit pour chasser les idées communément reçues et s’intéresser à l’essence de tout un chacun.

« Les hommes et les femmes conviennent rarement sur le mérite d’une femme : leurs intérêts sont trop différents. Les femmes ne se plaisent point les unes aux autres par les mêmes agréments qu’elles plaisent aux hommes : mille manières qui allument dans ceux-ci les grandes passions, forment entre elles l’aversion et l’antipathie. » Voilà de quoi illustrer les nombreuses situations dont tu seras le sujet, à ton insu ou pas. Justine, il y a peu de vérité entre les Hommes, ceci dit, une fleur ne fane pas toujours là où l’arrogance écrase la fraîcheur de ses couleurs. 

Sans vouloir offenser Paul, revenons à nos moutons. L’histoire dont il te fera porter le chapeau tel un cow-boy dans le Wisconsin mérite tout de même quelques mots. Dans un premier lieu, il y aura cette vie avant toi qui imposera un respect chronologique des rencontres avec une priorité à droite. Toi, tu respecteras, par élégance. Non sans peine, tu le questionneras sur les tromperies et tu apprendras que la reine des hyènes est à l’honneur, récompensée au nom du « bon d’antan » (une sorte de bon de commande désuet mais toujours valable). Ainsi vivra-t-il dans un monde où le passé ébranlera le présent tel un challenge en direct, face caméra : « et maintenant Justine, c’est à vous contre Evelyne, Joséphine et Clémentine : celle qui lancera le plus de tartes à la crème dans le visage de l’autre gagnera le droit de rejouer ! » Il y a trois cents trente ans, La Bruyère écrivait les Moeurs de ce siècle.

Un tour de piste et vous passerez la troisième dans le virage où le passé de chacun ne devrait être que prétexte pour mieux accélérer ensemble. Tu symboliseras l’envie de faire peau neuve et jouira de chaque moment. Puis, de rencontres en soirées, il te suffira de vouloir exister pour tout faire basculer et provoquer de méchants procès. Paul boira pour oublier et tu boiras encore plus à votre santé. Jusqu’au jour où tu seras éclaboussée par le verre de trop car une inconnue te rappellera l’évidence. Paul sera avec toi mais jamais en présence d’une autre femme. Malgré tous tes efforts, Paul dira Mordicus : « elle est jalouse », résumant ta condition à celle des femmes entre elles et non à celle qu’il a créée dans le miroir de ses propres vérités autour de toutes les femmes de sa vie. Justine, ce n’est qu’égoïsme soupoudré d’hypocrisie.

Aux prémices de votre rencontre, cela fera un an que je voulais te raconter demain. Justine, tu pousseras au printemps et les mauvaises herbes seront arrachées à la racine sous la boue. Les sujets sensibilisés par la critique resteront là où les envieux s’impliqueront sans retour possible. La plume de Jean adoucit mon sentiment pour tous les mots que Paul clamera sans fondement. Il est temps de repartir et d’avancer, soyez méritants. Justine, l’amouR a tout aux yeux du mal an.

© Emilie ZébeRt

3 réflexions au sujet de « Bon An Mal An »

  1. Cela faisait un moment que je n’avais pas eu l’occasion de vous lire.
    Et cette fois encore, je reste émerveillé par cette façon, cette grâce devrais-je dire, avec laquelle vous exprimez un instant d’une vie.
    Vous lui donnez un ton, une force, si particulière, que sa relecture s’impose pour en comprendre toute sa profondeur.
    Merci

    Franck

  2. Bon an mal an on participe avec beaucoup de plaisir à ces tranches de vie qui nous transportent d’aise ou au contraire nous rendent un peu mélancoliques …
    Malgré tout tu gardes toujours un œil plein d’humour ! 😻💕

À vos mots !