Entre Ciel et Terre

Le train berce mes yeux à la vue des nuages. Le ciel est habillé ce matin, la journée va être mouvementée. Des silhouettes familières se dessinent et envahissent mon âme d’enfant. Le vent s’improvise chef d’orchestre, j’entends au loin l’harmonie des rayons du soleil s’accorder sur les gouttes d’eau. Soudain suspendue au milieu d’un nuage dévoilant une souris, je plane au dessus de ma vie. Les images intenses disparaissent au rythme de la vitesse du train, la tête tourne légèrement, ce manège fête la joie en symbiose avec ma romance, la douce folie prend place voiture 18.

Une sirène expose son corps, bras couronne, tandis qu’un canard à trois pattes l’avoisine guilleret.        Rapidement l’un dans l’autre, un rocher s’élève, refuge du jeune chevreuil craintif aperçu tantôt.        D’autres pics, caps et péninsules s’unissent à ma vue composant furtivement une immense chaîne de montagne.        Inopinée une truffe chaude embrasse la neige blanche sans la moindre retenue. Je reconnais là mon ami adoré, « glissons ensemble sur les sommets enneigés », lui dis-je. Inconsciemment j’entame une discussion avec lui. Il n’y a qu’à travers les nuages que cela est possible. Ce chenapan poilu, renifleur de cèpes, est intelligent de fidélité. Les carottes sont crues, les cornets de glaces se partagent, je tombe à vélo et je te câline : les souvenirs inondent mes yeux face à notre complicité illustrant un ballet de jeux insouciants. Mon coeur s’emballe.        Le train lui ralentit, premier arrêt, la route est encore longue.        L’enfance peint le ciel pendant que les nuages s’entremêlent ; pêle-mêle, tu t’éloignes.        Mon patou, attends, je n’ai pas tout dit.

L’instant est propice à l’agitation des voyageurs. Une onde stressante et peu agréable envahit l’atmosphère : je patiente, violée dans mes pensées. Je ne peux m’empêcher d’observer les situations grotesques qui emprisonnent ces gens. Le trop sérieux mondain tâtonne sans ampleur et les costumes sont de mauvais goût. Ce soir je fumerai ma pipe au dessus de Paris, riant de mes acolytes journaliers. Je prendrai le temps de penser à ceux qui n’ont le temps de rien et qui emportent avec eux des valises fatiguées d’être vides. Une pièce de théâtre ne devrait être redondante, d’une représentation à l’autre l’improvisation éveille, surprend, ravit et nourrit l’histoire de notre vie. Je ne la vois nulle part ici, je ne ressens qu’une espèce de lassitude pesante. Heureusement, la douceur d’un baiser illusionnera ma soirée, un regard apaisera mon âme. « Le salut de l’homme passe par l’art » alors je peindrai sans savoir, par amour. En attendant, les rails guident mon chemin et je rejoins l’aiR des nuages qui vaporise des sensations oubliées voire essentielles. Parfois je les fuis, aujourd’hui je les cherche.

Chopin chatouille mes oreilles, le classique m’invite donc à contempler ma mère. Elle danse au milieu des rayons du soleil, m’accompagne et survole mon tableau. Belle enfant sauvage, tout me fascine chez elle, des éléphants d’Afrique aux chats perchés dans sa demeure. Pins perdus, nous nous attardons au fil de chaque saison à la cueillette des fruits de nos envies. Gourmande, je bois dans ses bois reposants. Notre demeure dessinée s’apparente dorénavant à un pissenlit. Inévitablement je souffle, libérant ainsi un champs de tournesol tournoyant à l’horizon. Mes lèvres étirent un sourire admiratif évoquant Klimt, Van Gogh et Monet derrière ce miroir jauni.

Je ponctue mes idées d’exclamations laissant l’interrogation de côté et je pointe avec virgule les mots. Attentive à l’intimité curieuse des sentiments troublés par le temps, alors que mes paupières s’alourdissent, les nuages confortables m’installent au milieu de ceux qui m’émerveillent. Une pluie de pavots révèle Morphée, alchimiste certain de mes douces rêveries, c’est avec ce papillon qu’il faut dès lors négocier la fin de mon tRajet.

© Emilie ZébeRt

6 réflexions au sujet de « Entre Ciel et Terre »

  1. Avoir la chance de rencontrer une si belle personne, généreuse dans la vie comme dans ses mots, est un privilège que l’on se doit de partager.

    Merci Emile.

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