Un homme et une femme à l’écran berce la chère nuit de notre amour tandis qu’une araignée se glisse sous mon pull sans crier gare. Une sensation étrange chatouille ma peau faisant naître l’épouvante dans le lit où nos corps, à peine couchés, isolaient la quiétude. Tu me calmes, serein, il est trop tard pour mes psychoses. De fait, un cheveu mal placé s’installe sous l’aile de mon imagination, apaisant ainsi mes sursauts importuns.
L’envie de dormir nous sable les yeux, l’inutilité du pull habille ma réflexion, je me dévêts hâtivement. A mi-hauteur, lorsque ma tête se baisse afin de donner à mes bras l’extension nécessaire, je l’aperçois active sous mon sein gauche qui remonte brusquement vers mon visage, arrogante du bout de ses pattes épaisses d’un noir certain, le corps lourd et interrogatif, l’aiR de dire : « pourquoi me découvres-tu de la sorte ? » La frayeur est immédiate, debout et nue aussi vite que possible, tremblante de sueurs froides, je frotte peau et cheveux d’un acharnement maladif afin de déloger l’imposteur. Tout autant paniqué dans l’ignorance, tu la cherches attentivement. Elle est à terre, inerte, repérée grâce à sa corpulence impressionnante, de près comme de loin. Pauvre dame violemment expulsée par mes soins contre le mur, le tout accompagné d’un cri à résonances multiples. Heureusement la surdité arachnéenne est bel et bien effective contrairement à celle de nos voisines affolées par tant de raffut. Affaiblis, il est temps de se dire adieu, étonnés par cette nouvelle rencontre.
Ce cadeau de notre précédent séjour campagnard éprouve nos échanges. Jeannette aurait sans doute préféré le bouquet champêtre, humble décoration sur cheminée, non loin d’une issue de secours. Au lieu de prudence, elle s’est promenée le long de mon épaule, m’a effleuré si légèrement le sein puis l’aisselle, côté cœur. La grosse araignée s’est enveloppée dans le pli de mon pull justement remonté au nombril suite à l’agitation. S’économisant ainsi au chaud, les huit pattes sur ma peau accueillante, elle s’est faite toute petite jusqu’à la découverte. Pas une piqûre ou une morsure, nulle trace. Un souvenir particulièrement angoissant somme toute, injuste pour Jeannette dont la place surprenante n’a éveillé que trop tard ma curiosité. J’espère que sa dernière heure de vie au contact de ma couverture naturelle lui aura apporté le confort nécessaire au vu des circonstances.
Les superstitieux me croiront chanceuse, les pessimistes diront l’inverse puisqu’elle n’est plus. À vrai dire, je suis simplement émue pour Jeannette l’effrayante meurtrie, trompeuse d’apparence et naturellement utile. Une fille de la campagne bien mal aguerrie me distingue étrangement. Merci mon amour d’avoir mis fin à l’hystérie inconsciente, primaire et douloureuse. Elle ne reviendra plus, mes nuits seront paisibles et je sais combien cela t’a coûté d’accompagner son corps, j’ai entendu le murmure de ta voix. À ma place ton instinct aurait été similaire, dis-tu rassurant, sauf que l’attaque n’était qu’imaginaire. Pardon Jeannette, la fabuleuse inattendue ! Mes bras auront couvé généreusement ce dont j’ai le plus horreur ! Je pense à la nuit où ses bébés prendront la relève à base de câlins chez d’autres qui s’accoutumeront aisément. J’imagine cette dame de pique être un exemple de mère arachnéenne, fervente défenseuse de la paix et de l’union. Dorénavant, une nouvelle cohabitation n’animera plus mes peurs. Mes rêves ne seront que meilleuRs.
© Emilie ZébeRt
Si les mots vous plaisent, ce sont les nôtres ;
Leurs tournures, tournicoti, tournicoton, sont travaillées par mes soins donc si l’envie de les utiliser vous titille comme Jeannette, merci de m’en informer.
Corps dit Ale, ment Emilie.
Tu sais de qui tenir : mon grand-père donc ton arrière grand-père n’arrêtait pas de faire des jeux de mots … bon sang ne peut mentir. J’attends avec impatience la prochaine nouvelle pleine de bons mots. En attendant, j’ai une pensée émue pour Jeannette et comme je te l’ai dit je nose plus écraser les araignées … et pourtant il y en a pléthore ici !!!
Trop fière de toi, moi.
Bisous bisous bisous
A défaut d’avoir su t’offrir une place chez nous, voici que t’est dédiée la plus grande toile du monde… Jeannette si tu nous entends, puissent les jolis mots d’Emilie t’accompagner où que tu sois !
« La dame de pique », je pense que c’était la cerise. Bel écrit, fluide et poétique, Pauvre Jeannette, sort funeste qui l’attendait, mais cette fin tragique a donné naissance à cette nouvelle dont je me suis délecté. Donc pauvre Jeannette, certes, mais merci à elle, dame de pique.
Remaniée et encore plus poétique 🕷